Peuple Sauvage IV
Une exposition de Julien Salaud
Peuple Sauvage IV
Si Julien Salaud avait un chemin d’études tout tracé vers l’ethnologie, c’est bien sous la forêt humide de sa Guyane familiale qu’il devient artiste. Jeune adulte, il rejoint ses parents dans ce territoire luxuriant qui le soustrait à ses études prometteuses. Durant trois années, le jour, il recense par le dessin à l’aquarelle la faune perchée. Parmi les 1 200 espèces d’arbres – acacias, palmiers, fromagers, eucalyptus, acajous, boulet de canon –, il se fraye un chemin. Son regard s’aiguise au contact des tou-cans ariel, Ramphastos vitellinus, coqs-de-roche, Rupicola rupicola, anhingas d’Amérique, Anhinga anhinga, tangaras évêques, Thraupis episcopus, ibis rouges, Eudocimus ruber, hérons cocoi, Ardea cocoi. Julien Salaud sort aussi à la tombée du jour. À l’ombre des connaissances éclairées de son père, il récolte cette faune qui prolifère à bas bruit, la nuit. Prélever n’est pas chasser. On prend pour apprendre ces espèces fabuleuses, aux thorax chamarrés, aux mandibules acérées, aux antennes gigantesques. Julien Salaud, de jour comme de nuit, regarde, écoute, comprend le vivant. Petit à petit, il esquisse ses premiers pas en tant que dessinateur, forge son engagement et devient artiste. Exposition après exposition, il développe une esthétique singulière et la Métropole l’ac-cueille à bras ouverts – les insectes récoltés se parent pour leurs plus belles nuits. La Métropole l’accueille à bras ouverts, les insectes récoltés se parent pour leurs plus belles nuits. Nuit et jour, il brode, crayonne, collectionne. Il assemble, donne sens. Salon de Montrouge, Musée de la Chasse, Centre d’art contemporain la Chapelle des Calvairiennes, Palais de Tokyo, Centre des monuments nationaux, Julien Salaud s’affirme. Il tisse son pro-pos et immerge son public dans ses enchantements. Ses œuvres sont bavardes, elles convoquent les plus belles matières faites de peaux, de faux diamants, d’ivoire factice ; Julien Salaud singe. Il chamarre ses bêtes tel un chaman, attire l’œil avec ses perles et ses plumes ou dans ses grottes tissées de fil blanc. Le récit se construit à la lumière noire, tel un sorcier qui agit. Des forêts du château de Chambord aux caves de l’Abbaye Royale de Fontevraud, la no-blesse de son style s’affine. À 46 ans, l’exposition présentée à Rurart permet de lire son travail dans une rare diversité qui souligne la constance de ses propos. Mathias Courtet
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